Dans le large éventail des romans de fantasy, c’est la variété connue sous le nom de heroic fantasy (épopée fantastique) ou encore sword and sorcery (littéralement : épée et sorcellerie) que les éditeurs français ont en premier diffusée, en l’incluant dans leurs collections de science-fiction avant que l’étiquette fantasy soit assez connue pour permettre d’attirer le lectorat. Cette inclusion au sein de collections dédiées à la science-fiction n’a pas créé de discordance flagrante, sans doute parce que l’heroic fantasy était assimilée à de la science-fiction d’aventures. En effet ces récits, apparus dans les pulp magazines américains, mettent en scène des héros virils (ou leurs alter ego féminins), experts au combat et au maniement des armes blanches (et en particulier des épées), qui affrontent des méchants en général dotés de pouvoirs surnaturels (sorciers et sorcières, créatures fantastiques, esprits maléfiques). Ces aventures se déroulent en des temps reculés, dans des pays et des sociétés le plus souvent imaginaires, voire sur d’autres planètes, dans un cadre inspiré de l’Antiquité ou du Moyen-Âge (sociétés pré-industrielles), où « la magie est vraiment efficace et où les dieux sont bien réels » (Lin Carter).
Les fondateurs
Bien que cela semble incompréhensible, voire scandaleux, deux auteurs majeurs des débuts de l’heroic fantasy n’ont été révélés au public francophone qu’au début des années 1970 !
Edgar Rice Burroughs est surtout connu comme le créateur de Tarzan, l’homme-singe, mais il est également aux sources de l’heroic fantasy avec “Le Cycle de Mars”, composé de onze titres parus aux États-Unis entre 1912 et 1943. Le héros est un vétéran de la guerre de Sécession, John Carter, qui est mystérieusement transporté sur Mars (que ses habitants appellent Barsoom), où il devient un guerrier impliqué dans des luttes tribales, puis un seigneur de la guerre qui fonde une famille.
Sword and Sorcery
À partir des années 1930, et plus encore après la Deuxième Guerre mondiale, d’autres romanciers s’illustrent dans le genre. Deux de ceux-ci ont été largement publiés en France, et avec raison : Fritz Leiber et Michael Moorcock, auteurs de deux cycles majeurs du genre, qui ont grandement contribué au renouveau de l’heroic fantasy après-guerre.
Heroic fantasy au féminin
Tous les auteurs d’heroic fantasy ne partagent pas la vision de John Norman, heureusement ! Robert E. Howard avait déjà mis en scène des héroïnes (Agnès de Chastillon, Sonya la Rouge). Et les autrices ne manquent pas dans le domaine !
Leigh Brackett a aussi utilisé un personnage récurrent, Eric John Stark, un orphelin recueilli par une tribu indigène de Mercure, qui grandit sous le nom de N’Chaka, « l’homme sans tribu ». On le trouve dans plusieurs histoires recueillies dans Le Livre de Mars (OPTA, « Club du Livre d’Anticipation » n°21, 1969), puis dans une trilogie qui a lieu sur Skaith, une planète située en dehors du système solaire (parue en livraisons dans la revue Galaxie, puis en volumes à la Librairie des Champs-Elysées dans la collection « Le Masque Science-Fiction » en 1976-1979).
Plusieurs autres écrivaines se sont illustrées dans ce genre, qui ont aussi mis en scène des personnages féminins, et que l’on trouve presque toutes publiées par les éditions OPTA dans leur célèbre collection le Club du Livre d’Anticipation (que nous présentons un peu plus loin) :
Début des collections spécialisées
Après avoir découvert les grands auteurs qui peuplent cette préhistoire éditoriale du genre de la fantasy, nous vous invitons à faire un tour d’horizon des collections qui ont contribué à diffuser le genre auprès du public francophone.
La fin des débuts
Nous voici arrivés au terme de ces temps héroïques, où la fantasy ne disait pas toujours son nom, où elle se glissait parmi les collections de science-fiction, où seul un petit nombre d’auteurs parvenait à franchir les murailles de la traduction et une fois dans la place, réapparaissait de collection en collection ! Depuis, sont nées les éditions Mnémos, Bragelonne, Le Bélial’, etc. La fantasy est à présent bien implantée et diversifiée. Mais ceci est de l’histoire plus récente, que nous retracerons peut-être dans des chroniques d’un futur plus ou moins proche…
Jérôme Serme