Dynamiter l’action ! John McTiernan, le sens de l’aventure

Un malentendu persistant s’obstine à définir le cinéma d’action comme un genre gouverné uniquement par la testostérone, dont la charge spectaculaire et la violence omniprésente sont inversement proportionnelles à la taille de ses méninges. Si chaque forme d’art populaire a pu écoper de ce genre de qualificatifs réducteurs, fait est de constater que l’action pure peine à voir ses qualités propres mises en lumière, en particulier lorsqu’on se penche sur le cinéma américain des années 80 et 90. Pire, la caricature du genre s’impose si rapidement à la moindre apparition à l’écran d’un gros bras ou d’un flingue, qu’il en devient parfois délicat de vanter les mérites réels, et les audaces, de productions mettant en vedette les Stallone, Van Damme et autres Arnold Schwarzenegger.

Rambo II en péché originel

Persistent ainsi dans la mémoire collective les formes dérivées de Rambo II, la mission (George Pan Cosmatos, 1985), film aux multiples ersatz considéré comme une des matrices du cinéma d’action des eighties, où la répétition métronomique de scènes d’explosion, de fusillades, de grand spectacle, paraissent l’emporter sur toute autre forme de dramaturgie. Bien sûr, des scènes d’action parfois dantesques étaient légions dans différents polars ou films d’aventure (qu’on se rappelle la scène de poursuite de French Connection, Los Angeles Police Fédérale, ou encore celle des Aventuriers de l’arche perdue), mais elles s’intégraient dans un récit global dont elles n’étaient pas la finalité unique, et n’atteignaient pas encore la démesure à venir. En soi, Rambo II apparait très représentatif de cette évolution, en détournant le propos social du film dont il est la suite (pourtant pas avare en scènes d’action), afin d’en faire un film vindicatif où John Rambo, l’exclu du système, vient venger la guerre du Vietnam à lui tout seul. Il suffira ensuite de voir apparaître un militaire ou un commando à l’écran pour accoler à l’œuvre l’étiquette pas très “culturellement correct” du film bourrin, et couper court à toute tentative d’approfondir le sujet. L’action, cet enfant sous anabolisants du récit d’aventure (exotisme, supers méchants, péripéties en rafales sont toujours dans l’équation) préfère un bellicisme revendiqué au simple souffle de l’exploration et des péripéties en cascade, et on ne manquera pas par la suite d’accuser le genre d’idéologie nauséabonde. On notera, et c’est sans doute révélateur, que c’est pendant l’explosion de l’actionner que la production française va abandonner le terrain de l’aventure, et du spectaculaire en général, au cinéma US.

Le contexte ne facilitant pas la tâche, certaines productions deviennent le champ de bataille féroce entre ces stéréotypes, boostés à l’imagerie politique dominante de l’ère Reagan, et la volonté de certains cinéastes d’élever le genre en le servant au mieux de leurs capacités. Et en la matière, le cinéaste John McTiernan illustre peut-être un des cas les plus notables du 7ème art. Si son second film, Predator, va le placer d’emblée dans la catégorie des grands maîtres du cinéma d’action, il va également le contraindre à revenir ensuite à de nombreuses reprises au genre, toujours en lui apportant des perspectives nouvelles certes, mais aussi avec un lourd cahier des charges qu’il va avoir de plus en plus de mal à détourner.

“Une gueule de porte-bonheur…”

La méprise semble d’autant plus forte que le premier film de McTiernan ne le destinait en rien au cinéma explosif. Nomads (1985), mettant en scène Pierce Brosnan en anthropologue français du nom de Jean-Charles Pommier (sic !), joue davantage la carte du fantastique, dont McTiernan restera toujours proche. Le récit, structuré en flashback, retranscrit essentiellement les visions tourmentant son héroïne, le docteur Flax, qui hérite des souvenirs de Pommier après avoir assisté à son décès, et découvre l’obsession de l’homme pour un groupe de Punk qu’il assimile à des nomades urbains, et pourraient bien être plus dangereux encore… Un pitch intrigant, mais rien qui ne prépare aux accolades viriles d’Arnold “Dutch” Schwarzenegger et Carl Weather, ces “masculinités toxiques” (pour citer McTiernan lui-même) qui se saluent à coup de bras de fer et de “sale enfant de putain !” Predator semble prendre le contre-pied du précédent film du réalisateur, troquant la ville contre une jungle hostile où les interprètes du Terminator et Apollo Creed sont pris en chasse par un extraterrestre adepte du safari humain. Pourtant, les fondations même du projet témoignent d’une prise de conscience anticipée des limites du genre, car McTiernan, tout en délivrant le film attendu, va s’employer le long du métrage à réhumaniser l’indestructible Arnold, en lui imposant un adversaire non seulement plus puissant, mais aussi plus malin que lui. Car si Predator porte tous les signes d’une œuvre à la gloire de l’acteur autrichien, McTiernan va bâtir son récit comme une déconstruction progressive de l’archétype même qu’est devenu Schwarzenegger. Le premier tiers du film livre ainsi une formule d’actionner clé en main, avec en apogée l’attaque d’un village caché (filmée majoritairement par le téléaste Craig Baxley) où s’échangent allégrement bons mots et coups de feu, un joyeux massacre dont l’inutilité éclatera dès les dernières douilles tombées. L’équipe de commando, “des sauveteurs, pas des assassins” a été exploitée, trompée, et vient sans le savoir de devenir l’enjeu d’une chasse plus sanglante encore. Ce cap franchit, McTiernan va faire de la jungle un ennemi à part entière, le Predator du titre s’y dissimulant avant de frapper les hommes un à un, la créature ménageant son apparition pour le dernier acte du film. Un adversaire invisible, omniprésent. McTiernan saisit l’occasion pour dévoiler sa haine du Gun-Porn, cette pulsion radicale à faire rugir les flingues pour régler tout conflit. Contraint par la production de jouer le jeu de la sulfateuse dévastatrice, le cinéaste fait allègrement “pisser le plomb” lors d’un premier contact avec le monstre, dont la conclusion est sans appel : “on n’a rien touché”. Devant l’inutilité des armes à feu, à peine capables de blesser, Dutch doit adopter une autre stratégie : il lui faut comprendre son adversaire, anticiper son comportement, ses mouvements, assimiler son utilisation du terrain, jusqu’à l’affronter mano a mano en employant à son tour les armes de la jungle. Qu’on ne s’y trompe pas, si l’on peut vanter les mérites de la déconstruction de Prey, dernière séquelle tardive de Predator, il ne faudrait pas négliger qu’elle ne fait que poursuivre, et surligner, la raison d’être même de l’opus de McTiernan. Le prochain geste du cinéaste sur l’échiquier va percer les dernières défenses du genre, et redéfinir à son tour le concept même de film d’action.

 

40 étages en otage !

En prenant en main l’adaptation du roman Nothing Last Forever de Roderick Thorpe, McTiernan signe une seconde collaboration avec le producteur Joël Silver (Predator, mais aussi la saga des Armes Fatales) et radicalise sa démarche. Car s’il est aujourd’hui un classique reconnu du genre au point d’en être devenu une des matrices, Piège de Cristal (Die Hard, 1988) n’en demeure pas moins une œuvre allant constamment à contre-temps des modes de son époque, et ce dès le casting. En effet, s’il est catalogué depuis longtemps “Action Star”, on néglige très souvent le passé de comédien de Bruce Willis, célébré dans un premier temps pour sa participation à la série Clair de Lune débutée en 1985. Loin d’être une évidence, son choix générera d’ailleurs bon nombre de moqueries à l’époque, ses épaules jugées presque trop frêles pour un rôle d’action. Une intention assumée qui va guider l’intégralité du film. John MacLane, le héros confronté par accident à la violente prise en otage du Nakatomi plaza un soir de Noël, est un flic qui rechigne à se lancer dans la mêlée, même s’il se révèle très bon avec ses poings et ses flingues lorsque la situation l’exige. Idée géniale, McTiernan le prive de ses chaussures dès les premières minutes du film, une manière particulièrement efficace de fragiliser la figure du flic dur à cuire. MacLane n’est jamais prêt pour l’action, jamais au bon endroit au bon moment. Comme Dutch, il va devoir maitriser le décor et sa géographie (magistralement mise en image par le réalisateur) et analyser ses antagonistes, menés par un Alan Rickman impérial, et de surcroît totalement atypique, dans le rôle de Hans Gruber. Cultivé, érudit, européen (comme le héros de Nomads), il s’oppose en tout point au flic “prolo” qu’est MacLane. Duel stratégique, mental et physique, construit comme une comédie shakespearienne selon son réalisateur, Die Hard sait assumer sa violence mais jamais au détriment de la construction de sa tension, et sans nuire à la légèreté revendiquée par le cinéaste (qui décidera de faire des ennemis des voleurs et non des terroristes comme le voulait le texte original, arguant qu’on qu’il n’y a rien d’amusant à faire avec ce genre de personnages). Film d’action total, au point que son concept sera adapté de nombreuses fois dans des environnements différents (un aéroport dans sa suite 58 minutes pour vivre par Renny Harlin, dans un train, dans bateau…), Die Hard est cependant difficile à segmenter en morceaux de bravoure, tant sa structure virtuose unifie chacune de ses scènes en un bloc unique de pure adrénaline. Tour de force visuel, le film ancre également une dynamique fondamentale de l’œuvre de McTiernan : toute confrontation a lieu entre le corps, le décor et l’esprit.

La Cendrillon au cigare

Conscient du risque de s’enfermer dans le registre, le cinéaste va tenter de s’en extraire avec A la poursuite d’Octobre rouge (1990) et Medicine Man (1992), tous deux avec Sean Connery en vedette. Le premier explore le genre du film de sous-marin avec une théâtralité, premier amour du cinéaste, que transcende la mise en scène. Le duel entre Marko Ramius (Sean Connery) et Jack Ryan (Alec Baldwin) offre une remarquable confrontation de personnages qui, fait rare, finiront par capitaliser sur leurs intelligences respectives pour atteindre lors objectifs, alors que leurs pays et leur culture, la Russie et les USA, semble les contraindre à l’hostilité. “On ne connait jamais assez son adversaire”, dira Ryan, énonçant à haute voix une des autres mamelles du cinéma McTiernien. En tension permanente de la première à la dernière image, le film décontenance à l’époque une partie de la presse américaine pour cause, justement, de manque d’action pure – ce qui n’empêchera pas le succès du film.

Cherchant toujours à s’éloigner de son image de cinéaste bourrin, McTiernan retrouve néanmoins la jungle pour Medicine Man, et un propos plus ouvertement politique cette fois. Basé sur un scénario de Tom Schulman (Le cercle des Poètes Disparus), le film adopte ici une ambition thématique plus marquée, McTiernan s’attardant sur les risques de la déforestation, du colonialisme décimant par accident et mépris les tribus autochtones au nom de la recherche pharmaceutique… Handicapé par la prestation peu nuancée de Laurraine Bracco, le film propose toutefois de magnifiques visions des monumentales canopées amazoniennes (dont certains plans inspireront La Désolation de Smaug de Peter Jackson), agrémentés de quelques hommages à Tarzan lorsque les deux protagonistes circulent entre les arbres à l’aide de leurs cordages. L’équilibre du métrage n’en reste pas moins précaire et le verdict du box-office sera sans appel, le film rentrant à peine dans ses frais. Une première rupture amère avec le public, qui va contraindre McTiernan à revenir sur le terrain lui ayant donné ses premiers succès.

Pourtant, malgré un alignement a priori favorable, dont le retour de Schrwarzenegger tout auréolé du triomphe de Terminator 2, le jugement dernier, Last Action Hero (1993) ne renouvellera pas les exploits de Predator et Die Hard. Si l’on peut sentir l’influence qu’a pu avoir La Nuit Américaine sur McTiernan dans le choix du sujet et le recours à la mise en abime (le réalisateur considère le film de Truffaut comme son école de cinéma), le socle même de la production est ébranlé dès son lancement. Par des délais de tournage réduits, tout d’abord, à peine 7 mois de production. Par une incompréhension, surtout. Ce récit où le jeune Danny traverse l’écran de cinéma pour rencontrer Jack Slater, son héros d’action favori, avant de le ramener dans le monde réel, McTiernan le voit avant tout comme un Cendrillon moderne, “avec Arnold dans le rôle de la bonne fée”. Du côté du studio, les intentions sont tout autres : réunir l’homme derrière Predator et sa vedette, devenu entre-temps une des plus grandes stars mondiales, c’est surtout la possibilité de réaliser le plus gros film d’action de l’année. Hélas, à trop tirer dans des directions différentes, et sans le recul d’un temps de travail décent, Last Action Hero devient “un poisson volant” pour citer Sylvester Stallone. « Un film courageux, mais on ne sait pas s’il nage ou s’il vole, résultat : il coule ». Si son mélange d’humour, de féerie et d’action pure a pu séduire une jeune génération à sa découverte, c’est un tir groupé critique d’une rare violence qui atomise le film à sa sortie, un lourd échec qui, à nouveau, amène McTiernan à revenir à ses bases… Pour cette fois les dynamiter avec jubilation.

Simon says

Bien qu’il retrouve John MacLane avec Une journée en enfer (Die Hard with a Vengeance, 1995), McTiernan n’entends pas pour autant jouer la carte de la banale suite-remake. L’arène du premier film se limitait au cadre fermé d’un gratte-ciel de Los Angeles. Celle de Une journée en enfer est un retour fracassant à la jungle, urbaine cette fois, de New York. Un gigantesque terrain de jeu à ciel ouvert pour le redoutable Simon Gruber (formidable Jeremy Irons), bien décidé à faire souffrir l’homme responsable de la mort de son frère Hans. Pour ce faire, un jeu simple, adaptation mortelle de “Simon Says” (équivalent de notre “Jacques a dit”) : MacLane doit remporter des épreuves contre-la-montre, et à chaque échec, une bombe explose dans un lieu public en pénalité. Un high concept d’une efficacité redoutable, dont on perçoit encore les échos à la vision de The Dark Knight (2008, Christopher Nolan) et la passion du Joker à dynamiter Gotham pour propager le chaos.

Sur le point formel également, la rupture est manifeste. Là où Piège de Cristal s’imposait par la fluidité de ses mouvements de caméra, MacTiernan préfère ici expérimenter une approche presque documentaire, à base de camera portée plongée au cœur de l’action. L’approche ne sera pas systématique pour autant, et le cinéaste s’offre à l’occasion de grands moments de musicalité visuelle, en particulier la séquence où l’équipe de Gruber s’introduit dans la réserve fédérale, véritable objectif de ses actions. Variant les espaces, enchaînant de l’étendue de Central Park à l’étroitesse d’une cage d’ascenseur (pour une scène dont se souviendra Captain America, le soldat de l’Hiver en 2014), MacTiernan revisite et réinvente sa propre filmographie avec une énergie démentielle, offrant par la même occasion à MacLane un compagnon d’infortune, Zeus, incarné par Samuel L. Jackson. Une pure logique de buddy movie, qui associée à ses autres caractéristiques, font de Une Journée en enfer est un véritable manifeste de l’action filmée, renvoyant parfois à certains excès directement hérités du burlesque lorsque MacLane est éjecté des égouts par une trombe d’eau devant le regard ahuri de son comparse (à plus d’un titre, le Mécano de la générale de Buster Keaton en 1926 peut être considéré comme un véritable film d’action non-stop). Ce qui aurait pu être une séquelle paresseuse devient une nouvelle façon de concevoir l’action, qui fera école à de nombreuses reprises – chez Paul Greengrass et ses épisodes de la sage Bourne, en particulier.

L’homme et le mythe

S’employant à redéfinir les contours humains de héros faussement archétypaux et monolithiques, McTiernan parait tout désigné pour parcourir le chemin inverse : montrer comment l’homme devient mythe au travers du regard des autres. La rencontre entre le cinéaste et l’adaptation du roman Les mangeurs de morts de Michael Crichton relève en ce sens de l’évidence. Le texte de l’auteur de Jurassic Park part d’un postulat passionnant : révéler l’origine et la réalité derrière la légende de Beowulf, dérivée selon Crichton du récit de Ibn Fadlan. Cet ambassadeur érudit, exilé de sa cité de Bagdad se voit contraint par le sort d’intégrer un groupe de 13 guerriers viking, mené par le taciturne Buliwyf. Un voyage dangereux à la rencontre des mangeurs de morts, une peuplade terrifiante aux allures de démons capable d’invoquer un serpent de feu destructeur, qui dévastent les villages du royaume de Rothgar. Un postulat fort que le film, rebaptisé Le 13ème guerrier (sorti en 1999 après une longue post-production), va faire exister sans pour autant citer le nom même de Beowulf, entretenant un décalage évocateur entre les faits et l’aura fantastique qui se dégage du métrage. Faux film de fantasy mais vrai film épique, Le 13ème guerrier souffrira de nombreux litiges entre McTiernan et Crichton, ce dernier reprenant le montage de certaines séquences et le contrôle du film dans ses dernières étapes de production.

On aura pu longtemps fantasmer le director’s cut, plus long, peut-être plus clair dans intentions, même si John McTiernan revendique aujourd’hui la quasi-totalité du film, à peine remanié par Crichton selon lui. En l’état, Le 13ème guerrier se pose comme une expérience de mise en scène magistrale, affaiblie peut-être par un démarrage hasardeux, mais totalement mu par les thématiques obsessionnelles de McTiernan. Adoptant majoritairement le point de vue d’Ibn Farad, le film travaille la subjectivité de son regard et axe les enjeux de son récit sur la nécessité de dépasser ses préconceptions culturelles – et ses superstitions – pour sortir victorieux de tout affrontement, que ce soit par la parole ou par les coups d’épées. Peut-être, aussi, pour faire naître de nouvelles légendes. Où quand l’exotisme devient choc culturel, puis assimilation et hybridation (en ce sens, la scène au seuil du surréalisme où Ibn apprend à maîtriser le langage des vikings par l’observation méthodique de leurs discussions est révélatrice). En plus d’être une remarquable fresque visuelle dont certaines images figurent encore aujourd’hui dans les plus belles du genre, Le 13ème guerrier reste une œuvre passionnante et souvent exaltante sur la construction du légendaire et sa démystification, alternant la suggestion et l’explicite, la terreur et l’action. Malheureusement, le public s’y perdra, fragilisant davantage encore la position de McTiernan dans l’industrie hollywoodienne. Il livrera néanmoins le remarquable L’affaire Thomas Crown la même année, son premier film ouvertement romantique – romance tantôt glamour, tantôt charnelle entre un voleur surdoué issu du monde de la finance (Pierce Brosnan) et l’enquêtrice chargée de récupérer l’œuvre qu’il a dérobé (Renée Russo). Un véritable délice ludique, où la question n’est jamais de révéler la culpabilité de Thomas Crown, connue dès le début, mais la teneur des sentiments amoureux.

Films d’aventure

Une nouvelle voie aurait pu s’ouvrir pour le cinéaste, mais son retour sur le terrain du cinéma d’action sera un véritable désastre, tant professionnel que privé. Le remake de Rollerball (2002), voulu par le réalisateur comme un nouveau Spartacus où la société du spectacle remplace la Rome antique, sera mutilé par la production qui en expurgera le discours, dont ne subsiste que quelques fragments dans un montage totalement anarchique et conclut en dépit du bon sens. Refusant encore aujourd’hui de revenir en détail sur le film, McTiernan paiera cher d’avoir mis le producteur de Rollerball Charles Roven sous écoute via les services du détective Anthony Pellicano. Acte qu’il niera devant un agent du FBI, ce qui lui vaudra d’être condamnée en 2012 à une année d’emprisonnement. Basic, son dernier film en date, sort en 2003. Ce thriller militaire aussi jubilatoire que retors confronte – à nouveau – les regards croisés de différents personnages sur les mêmes faits, pour nous mener à une conclusion beaucoup plus pulp qu’attendue (spoiler : nous assistons à la création d’une équipe secrète qu’on imagine aisément être déclinée en histoires d’espionnage ou d’enquêtes spéciales). Une manière d’éclairer sous un autre angle l’œuvre d’un grand maître de l’action qui, pourtant, n’hésite pas à remettre en question ce titre de noblesse. S’il a sans cesse annoncé les mutations des figures dominantes de l’action, ou au contraire repensé ses fondements, c’est sans doute parce que la dimension ludique, les défis de narration, la création de high concept aux ressorts très pulp, dans les péripéties comme dans les contextes, suscitent davantage sa passion que le simple rugissement des flingues et le fracas des explosions. « J’ai toujours fait des films d’aventure pour petits garçons, plutôt que de vrais films d’action », révélait-t-il à la télévision belge lors de son passage à Bruxelles en 2022. L’action pour revenir au sens de l’aventure. Yippee-Ki-Yay ! La boucle est bouclée.

Christophe Mavroudis

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