La bande dessinée d’aventures est une véritable pieuvre, elle étend ses tentacules dans nombre de sous-genres. Il serait vain de tous les citer mais la BD historique, de western, de cape et d’épée, d’espionnage ou encore de space opera, utilisent ce levier de l’aventure qui fascine et emporte le lecteur. La célèbre formule « une aventure de… » marque encore aujourd’hui l’univers de la bande dessinée.
Une des caractéristiques principales de ce genre est, pourrait-on dire, « l’enchantement du monde ». Il nourrit notre besoin d’évasion, d’exploration, d’émerveillement et d’actions. Partir ailleurs. Évidemment, lors de son développement, c’est avant tout une vision blanche, colonialiste et sexiste qui s’illustre. Rien d’étonnant à cela au regard du contexte des années 1930 aux années 1950. L’exotisme de l’Afrique et de l’Orient étaient encore intacts, avec ses clichés inévitables qui font aujourd’hui sourire ou grincer des dents.
Mais au-delà de cette époque, l’aventure nourrit cette vie rêvée, avec ses dangers extraordinaires, son mystère teinté de suspense, ses découvertes toujours surprenantes, en compagnie de héros courageux et énigmatiques. Corto Maltese en est certainement la quintessence moderne.
Humour et aventures
Avant tout, le médium BD se constitue dans une veine humoristique dominante imposée par les journaux qui le voient naître. Mais l’imagination des dessinateurs va s’enrichir rapidement, notamment aux États-Unis, avec le développement des pulps. Ces revues peu chères, aux couvertures attrayantes, étaient constituées de nouvelles inscrites dans les différents genres des littératures populaires alors en plein développement (policier, science-fiction, romance… et aventure).
La fin de la BD d’aventures ?
Dans sa période de plein développement, les illustrés d’aventures vont produire quantités de personnages qui enflammeront les esprits. Nous sommes aussi à l’époque des Secrets de la mer Rouge, des actualités cinématographiques, des grandes revues de voyage et d’actualité.
La BD d’aventures aux États-Unis se tarit sensiblement après 1945, laissant la place à la BD de guerre, d’horreur, de romance et, plus tard, au raz-de-marée des super-héros.
Dans les années 1960, les Éditions du Remparts avec Les Classiques de l’Aventure (puis Les Héros de l’Aventure) donnent une nouvelle jeunesse aux héros de l’Âge d’or (Raoul et Gaston, Le Fantôme…) et divers petits formats italiens (Blek, Capt’ain Swing…) complètent l’offre… Plus près de nous, Métal Aventure fut une tentative « aventureuse » intéressante de Métal Hurlant, sans grand succès malheureusement.
Les auteurs franco-belges et italiens, grands admirateurs des comics d’aventures, vont reprendre le flambeau après la guerre et en délivrer des déclinaisons passionnantes. Les scénaristes Jean-Michel Charlier, Michel Greg, Yves Duval ou le dessinateur Hugo Pratt sont des représentants talentueux de cette époque. Le genre évolue après Mai-68 jusqu’aux années 1980, devenant
Son effacement progressif se fait à l’avantage d’autres genres comme les comics de super-héros, déjà cités, la fantasy, la BD historique, et les veines plus réalistes comme l’autobiographie, la BD de vulgarisation ou les romans graphiques. Mais la BD d’aventures existe toujours. Certes moins visible dans la BD adulte actuelle qui se veut plus sérieuse, elle infuse ses mécanismes dans d’autres genres plus distrayants. Le besoin d’évasion, lui, n’a pas disparu et assure au genre un avenir sans nuages.
Quelques séries anglo-saxonnes
Raoul et Gaston
Tarzan
Connie
Bob l’aviateur
Jim la Jungle
Terry et les Pirates
Le Fantôme
Le scénariste Lee Falk, après avoir lancé Mandrake en 1934 en compagnie du dessinateur Phil Davis, se tourne vers la BD de pure aventure avec ce Fantôme (The Phantom en VO). Son collant moulant et son visage dissimulé par un masque en fait le
La Ligue des Gentlemen extraordinaires
En 1999, Alan Moore, au scénario, et Kevin O’Neill, au dessin décident de lancer, dans le cadre de la collection ABC de l’éditeur Wilstorm, une série d’aventures volontairement référencée mais qui n’exclut pas rebondissements, affrontements et sentiments très contemporains. En effet, l’équipe des Gentlemen extraordinaires se compose de personnages de fiction issus de la littérature européenne du XIXe siècle. Un choix mûrement réfléchi par le scénariste anglais qui a des comptes à régler avec les éditeurs américains. On y retrouve Allan Quatermain, le capitaine Nemo, Dr Jekyll et Mister Hyde et L’Homme invisible. Tout ce joli monde est conduit par Miss Muray (en fait, Mina Harker, issue du Dracula de Bram Stoker). Avec son diabolique talent de scénariste et son érudition hors pair, Alan Moore nous entraîne dans de réjouissants méandres qui vont du rétrofuturisme (steampunk) aux transgressions et délires les plus modernes. Son propos est servi par le dessin étonnant et maîtrisé de Kevin O’Neill, tous deux nous offrent une œuvre de très haut niveau, à lire et à relire.
Découvrez dans la deuxième partie de cet article, un focus sur le volet franco-belge.
Gilles Poussin